À quelques mois d'intervalle, entre 1988 et 1989, et à la faveur d'un film de Martin Scorsese, La Dernière tentation du Christ, et d'un roman de Salman Rushdie, Les Versets sataniques, l'accusation de blasphème a soudainement refait actualité dans nos paisibles démocraties pluralistes. Ce fut un tournant pour l'anthropologue Jeanne Favret-Saada, qui n'a eu de cesse, depuis, d'enquêter sur ce retour de bâton religieux, y compris les caricatures de Mahomet.
Un an avant l'assassinat du professeur Samuel Paty, AOC avait choisi d'accueillir un entretien important entre Jeanne Favret-Saada et Arnaud Esquerre, un texte refusé par la revue Terrain qui l'avait initialement commandé pour un dossier intitulé... « Faire taire». En revenant sur les enquêtes qu'elle mène depuis trente ans sur ces sujets, Jeanne Favret-Saada nous permet de mieux saisir comment le mot blasphème a fait son grand retour à la « une » des journaux.
Jeanne Favret-Saada est anthropologue, elle a travaillé successivement sur les systèmes politiques tribaux en Algérie, la sorcellerie dans le bocage de l'Ouest français, l'antisémitisme et l'antijudaisme catholiques et les accusations de blasphème dans l'Europe contemporaine.
Arnaud Esquerre est sociologue, il a notamment travaillé sur les sectes, les cimetières, l'astrologie, la censure. Il est le co-auteur avec Luc Boltanski d'Enrichissement (Gallimard).
AOC est un quotidien d'idées numérique fondé en janvier 2018 par Sylvain Bourmeau, Raphaël Bourgois et Cécile Moscovitz. Du lundi au vendredi, il publie chaque jour une Analyse, une Opinion et une Critique, le samedi un entretien et le dimanche un texte littéraire.
En presque trois ans, AOC a publié 2 500 articles de plus de 1 300 auteurs différents (chercheuses et chercheurs, écrivain.e.s, artistes, journalistes...). Plus de 80 000 lecteurs reçoivent chaque jour par email le sommaire, parmi lesquels 7 000 sont abonnés.
Dès avant son lancement, le quotidien d'idées AOC a imaginé publier dans un ouvrage de belle facture certains de ses articles de référence, renouant ainsi, à l'ère numérique, avec les brochures du XVIIIe siècle.
« Le blasphème n'est pas un objet stable, mais une construction historique à géométrie variable » Cet ouvrage, à destination du grand public, remonte aux origines de la pénalisation du blasphème depuis les Romains jusqu'à fin 2020 Depuis les Juifs, en passant par les hérétiques, les victimes de l' lnquisition les auteurs de crime de lèse majesté avec tous les supplices, châtiments et moyens de rétorsion réservés aux contrevenants de l'époque, la liste de ceux qui « outragent » est longue et variée On citera pêle mêle Molière, le C hevalier de la Barre, l'affaire Calas et Voltaire, Catholiques et Protestants, Baudelaire, Flaubert, les caricatures de Charlie Hebdo, l'assassinat de Samuel Paty Après une définition du concept de blasphème, origine hébraïque, puis au sens chrétien, le livre aborde la notion de blasphème à travers l'exercice de l'autorité religieuse depuis l'origine du christianisme jusqu'au Moyen Age et particulièrement la période de l'Inquisition Avec l'aspect divin du roi, le blasphème devient un objet juridique, une infraction construite par et pour la puissance monarchique et son pouvoir absolu Via le crime de lèse majesté, le blasphémateur est dénoncé comme une menace sociale L'auteure analyse le paradoxe contemporain autour du blasphème discrètement réintroduit à travers les infractions à la liberté d'expression (loi du 29 juillet 1881 sur la presse) Le livre s'achève sur la période moderne consacrée à l'actualité autour du débat entre blasphème et laïcité en France ainsi que les disparités de cette notion en Europe De nos jours le blasphème, objet de récupération, permet d'instrumentaliser la force de la croyance religieuse pour assurer la puissance politique de certains États au même titre que le faisaient les anciennes monarchies occidentales chrétiennes
En mars 2007, s'ouvre au Centre Sakharov de Moscou l'exposition L'Art interdit - 2006. Elle regroupe les oeuvres autocensurées l'année précédente dans les galeries moscovites. Deux ans plus tard, les responsables de l'exposition, Andreï Érofeïev et Iouri Samodourov, sont attaqués en justice par une organisation nationaliste orthodoxe, Le Concile du peuple, pour « incitation à la haine inter-religieuse ». Cette inculpation marque le retour du délit de blasphème en Russie. Viktoria Lomasko et Anton Nikolaïev ont dessiné et noté non seulement les audiences mais aussi les discussions, manifestations et performances des protagonistes aux abords du tribunal donnant un portrait vivant de ce procès spectacle.
Après l'immense émotion qui a suivi l'attentat contre Charlie Hebdo, Caroline Fourest revient sur ces voix, ces « oui mais », qui, au nom de la « responsabilité », de la peur d'« offenser » ou du soupçon d'« islamophobie », n'ont pas voulu « être Charlie ».
Dans cet essai pédagogique sans concessions, elle recadre les débats sur la liberté d'expression et alerte sur les dangers d'une mondialisation de l'intimidation. Elle clarifie la ligne de fracture entre laïcité à la française et relativisme anglo-saxon. Entre droit au blasphème et incitation à la haine. Entre Charlie et Dieudonné. Entre rire du terrorisme, et rire avec les terroristes.
« Caroline Fourest continue le combat, avec une soif intacte de convaincre. » Anne Rosencher, Marianne.
Ce numéro de Topique réunit les analyses de philosophes, de psychanalystes, de scientifiques, de juristes et d'historiens sur une notion lourdement connotée. On s'efforcera de la définir, de retracer son origine et son existence dans les domaines où la croyance n'a pu laisser place au processus de connaissance et au dialogue. Existe-t-il toujours une intentionnalité transgressive pour celui qui l'énonce ou le commet ? Quelle est alors la visée de cette transgression et pourquoi le blasphème se substitue-t-il à la critique argumentée privilégiant l'appel à l'ironie et à l'effet comique ? Quelles sont alors les conditions requises pour que le récipiendaire du supposé blasphème le dénonce comme tel ? Le non-respect d'une règle dont on ne reconnait pas la légitimité peut-elle constituer à elle seule un blasphème ? Doit-on prendre en considération le fait subjectif de se sentir bafoué dans ses valeurs comme une situation apte à définir le blasphème ? Plus généralement quelles sont les visées tant du blasphémateur que de celui qui le reçoit comme tel et s'en clame la victime ? Que répondre au dialogue de sourds où l'un oppose sa liberté d'expression et l'autre le respect de ses valeurs ? A quelle volonté de domination et à quelles craintes cette situation répond-elle de part et d'autre et comment peut-elle faire exploser une violence sous-jacente ?
David Mamet, né à Chicago en 1947, est connu pour ses pièces et ses films qui ont fait le tour du monde. Sa riche expérience de metteur en scène l'a amené à prendre quelques notes sur le métier d'acteur. Le sous-titre du livre - blasphème et bon sens à l'usage de l'acteur - laisse présager qu'il n'y va pas par quatre chemins. Mais le bon sens et la découverte d'hérésies peuvent-ils être admis dans notre culture qui brouille si volontairement les pistes ? Toute la question est là.
Osons l'hypothèse suivante : pour développer des thèses simples qui en vaillent la peine, il faut d'abord avoir connu et parcouru la complexité des « choses ». C'est en cherchant et en travaillant pendant toute sa vie que se sont cristallisés les éléments fondamentaux de sa réflexion. Si la bible stanislavskienne est profondément mise à mal, et les « méthodes d'actorat » considérées comme des concepts contreproductifs, le vent frais d'idées qu'il nous souffle depuis l'autre côté de l'Atlantique paraît lui très productif.
La question du blasphème a fait sa réapparition dans les sociétés occidentales alors même que notre époque semblait l'avoir abandonnée au nom de la liberté de conscience et de la liberté d'expression : tout citoyen est interpellé et l'expérience juridique des États et des religions est sollicitée. Ainsi, celui qui veut appréhender cette notion de blasphème se doit d'embrasser divers systèmes juridiques sans oublier que ces derniers entrent en dialogue et se confrontent à des approches théologiques et philosophiques. Derrière l'apparente simplicité dans le discours quotidien du terme blasphème se cache une réflexion complexe entre régulation du croire et régulation de la vie sociale.
Dans ce numéro 1, Georges-Paul Cuny dit remarquablement en quelques pages vives le problème soulevé par les caricatures de Charlie Hebdo. Sa parution chez Téqui permet de rappeler aussi, en creux, que si l'on coupe avec le Père, on n'a bientôt plus de frères non plus.
Il avait disparu de notre horizon politique. Voltaire en avait fait une infraction d'un autre âge. La Révolution française allait le congédier du domaine de la loi, pour l'ériger en « crime imaginaire ». Et voici que le blasphème, notion si longtemps désuète, s'invite à nouveau dans notre vie publique, sourdement d'abord, puis au grand jour, dans le fracas des attentats sanglants de janvier 2015.
Ce « péché de bouche » a une longue histoire qu'il faut retrouver pour mieux comprendre comment, d'un siècle à l'autre, il s'est articulé à nos guerres civiles et à nos conflits idéologiques. Outrage religieux, crime identitaire, délit politique : le blasphème n'a cessé de se métamorphoser au gré des époques, avant de déserter, en 1791, nos manières de penser, puis de réapparaître voici quelques années sous des atours inédits. C'est cette trajectoire que Jacques de Saint Victor restitue afin de rendre intelligibles les raisons et les enjeux du débat que le blasphème suscite aujourd'hui.
Son invocation récente, par certains, au nom du respect des « convictions intimes », met à l'épreuve un principe fondamental, propre à notre nation depuis des siècles, la liberté d'expression, et, au-delà, une manière singulière de s'entretenir des choses de la cité.
« Pas touche au Prophète. Pas touche à la Nation. Pas touche au Christ en croix. Pas touche à la famille. Pas touche aux marques. Pas touche au cache-sexe.
Pas touche à la mémoire sanctifiée. Ceci n'est pas un blasphème est né d'un mélange d'incompréhension et de colère. Du sentiment d'un reflux, comme si la société répondait à la vague de libertés du net, à l'évolution des moeurs et aux prouesses médicales de la technoscience par une marée réactionnaire plus ou moins avouée, diffuse, et à la longue très pesante ». Ceci n'est pas un blasphème interroge le blasphème sous toutes ses coutures, de ses dimensions historiques à sa réalité contemporaine, de la religion aux marques en passant par la science. Il est né d'un dialogue entre un artiste qui a été lui-même censuré à de multiples reprises, Mounir Fatmi, et un essayiste hérétique ayant beaucoup réfléchi sur notre nouveau monde numérique, Ariel Kyrou. Se croisent dans ce livre sous forme de dialogue Dieudonné et les acteurs de la Manif Pour Tous, mais aussi Charlie Hebdo, Mahomet, Le Caravage, ORLAN, Nike, Michel-Ange, Bosch, les Pussy Riot, Brian Eno, Sainte Julie de Corse, les alévis, Apple, Oliviero Toscani, Thierry Meyssan, les frères du Libre-Esprit, Theo Van Gogh, le Coran, l'eau bénite, Larry Clark, les Yes Men, Baruch Goldstein, George Grosz, la lapine fluo Alba, Alain Soral, la procréation médicale assistée, Marcel Duchamp, Andres Serrano et bien d'autres.
Condamnée à mort pour un verre d eau !
14 juin 2009, il fait 45 °C ce jour-là, dans un champ du Pendjab. Asia vend chichement ses heures au gros propriétaire local : elle cueille des baies depuis des heures. Travail éprouvant, mais Asia et son mari ont cinq enfants à nourrir. Vers midi, en nage, Asia va jusqu'au puits le plus proche, prend un verre et boit de l'eau fraîche. Un verre, puis un autre.
C est alors que sa voisine par jalousie, par bêtise, crie que ce puits est celui des femmes musulmanes et qu'Asia, chrétienne, le souille en s'y servant. Le ton monte... Et soudain, un mot fuse : « Blasphème ! ». Au Pakistan, c'est la mort assurée. Le sort d'Asia est scellé..
Immédiatement, Asia Bibi est jetée en prison. Un an après, elle est condamnée à être pendue. Et depuis elle croupit dans une cellule sans fenêtre. Sa famille a dû fuir son village, menacée par les extrémistes religieux.
Deux personnalités lui sont venus en aide : le gouverneur du Pendjab, musulman, et le ministre des Minorités, un chrétien. Pour avoir pris la défense, publiquement, d'Asia Bibi, tous deux ont été assassinés, sauvagement.
Asia Bibi nous écrit du fond de sa prison. Elle est devenue une icône pour tous ceux qui luttent, au Pakistan et dans le monde, contre toutes les violences faites au nom des religions.
Julien Clerc réédition en vinyle 180 grammes de 2 albums phares :
Liberté, Égalité, Fraternité Ou La Mort (Paru en 1972, cet album contient les classiques 'Si on chantait', 'Le patineur',' La longue épine' 'Jouez violons, sonnez crécelles'...)
&
Femmes, Indiscrétion, Blasphème (Grand succès de 1982, cet album est un incontournable de Julien Clerc avec les titres 'Femmes... je vous aime', 'Lili voulait aller danser', 'A son cou à ses genoux'...)
Ces 2 albums ont été remasterisés en 2018 d'après les bandes ¼ de pouce d'origine !
Dans un monde où l'individu construit sa propre prison, un bébé laissé pour mort est jeté en pature aux cochons. Miraculeusement, il survit et devient adulte, mi-humain, mi-porcin, totalement adapté au rythme de vie de la porcherie, où il coule des jours heureux. Un jour, cependant, il s'enfuit après avoir vainement
tenté de sauver un des siens d'une saignée ordinaire. Confronté au monde absurde des humains, il est enchaîné, jugé puis condanmé comme forçat dans une abjecte prison-usine, qui deviendra son ultime égoût vers le paradis ? Reconnu pour son exposition de machines, présentée dans différents festivals
(Angoulême, Colomiers), Rémi est l'auteur de plusieurs livres parus notamment au Dernier Cri ou en auto-édition. Avec "Blasphème au Paradis", il réussi le tour de force de présenter une véritable bande déssinée d'images, sans case, sans texte, et qui, à l'instar des contes, entraîne le lecteur dans une narration aussi simple et fluide que chargée de multiples allégorie.
Enfant, il courait les rues le soir, parce qu'on lui avait dit que dieu était lumière...
Il ne l'a jamais trouvé, nous avoue-t-il et depuis, il est devenu férocement allergique à tout ce qui touche à la religion : du bénitier à l'imam ; du crucifix au vicaire de campagne...
Le mécréant ne mâche pas ses mots pour crier l'abjection dans laquelle il tient tous les cultes.
Dans cet ouvrage cathartique, Marc Tilman partage avec le lecteur ses coups de gueules. Il flingue aussi l'école, la bienséance, la pudibonderie, la politique et ça fait du bien.
Cet ouvrage réunit les actes du colloque de Poitiers du vendredi 27 mars 2015. Il a pour thème "le blasphème dans une société démocratique". Son organisation a paru s'imposer non seulement en raison des événements tragiques du mercredi 7 janvier 2015, frappant en son coeur la démocratie et la liberté d'expression, mais également et surtout en raison des réactions qui ont suivi.
"Le projet scientifique et artistique « Babel » de l'Université Nice Sophia Antipolis avait pour but de poursuivre l'enquête sur le mythe de Babel, considéré comme un mode possible d'approche et de découverte, ou comme un angle d'attaque permettant un décryptage original des arts vivants d'aujourd'hui. Ce parcours de recherche achève aujourd'hui sa troisième phase et réunit dans ce dernier volume des articles autour du thème de « Babel transgressée - La subversion d'un art vivant à l'autre, de la jouissance au blasphème »."
En février de l'an 1885 Nietzsche écrit à l'ami Peter Gast : " Cet hiver est porteur d'un `fruit nouveau', mais je n'ai pas d'éditeur.
L'énorme aberration de publier quelque chose comme mon Zarathustra s'est soldée par une aberration égale : comme de juste... Sans doute impubliable d'ailleurs : un blasphème écrit avec l'humeur d'un bouffon. " Des philosophes parmi les plus sérieux ont ressenti d'ailleurs " une certaine gêne " devant ce blasphème bouffon. Et même ils vont y rencontrer " des fautes de goût "... Pour eux, " cette quatrième partie de Zarathustra est une chute ".
J'y perçois au contraire l'accomplissement de ce qui a parcouru l'oeuvre entier de Nietzsche comme un frisson discontinu : le souhait d'écrire, lui aussi - tel Hölderlin ou Kleist -, le théâtre. Les fragments d'un Empédocle ou d'un dialogue entre Dionysos et Ariane viennent l'attester. Mais encore fallait-il que l'ampleur du verset nietzschéen dans Zarathustra puisse rejoindre la coupe brève, ironique, érotique du chant Parmi les Filles du désert, - chant qui fait lui-même partie de la Fête de l'Ane, de l'Eselsfest, dans la splendide Quatrième partie de Zarathustra.
Jean-Pierre Faye.
"Bougnoule, niakoué, raton, youpin/crouillat, gringo, rasta, ricain" chante un Jacques Dutronc désabusé, dans l'Hymne à l'Amour. Autant de termes, de violences langagières, susceptibles d'un traitement pénal. Juristes, linguistes, historiens du droit, psychanalystes et spécialistes de littérature confrontent ici leurs analyses. Si l'approche juridique privilégie la définition de catégories aux frontières parfois ténues (outrage, injure, blasphème, diffamation), les approches linguistique et littéraire interrogent la production du sens en contexte et les effets de réception de ces paroles qui font acte.
Les historiens vivent, travaillent et pensent dans la cité. Un mois après le massacre de la rédaction de Charlie, des Historiens se réunissent à l'école de la rue d'Ulm, pour penser ensemble comment depuis le XVIe siècle le rire a été une puissante arme politique, utilisée sous diverses formes, de la dérision subtile au rire féroce, en passant par la franche moquerie de l'adversaire. Il est un marqueur d'intelligence, de culture et s'inscrit durant les périodes de violence tel un processus de civilisation, forme de continuation d'une lutte sans e usion de sang... jusqu'à ce que les censeurs et les ignorants, tentent de l'interdire ou le tuent, réellement, avant qu'il ne reparaisse, toujours...
Depuis la fatwa à l'encontre de Salman Rushdie, l'exécution des caricaturistes de Charlie Hebdo ou les tragiques attentats parisiens du 13 novembre 2015, la religion fait un retour violent dans l'espace public. D'aucuns font alors l'« éloge du blasphème » et revendiquent un droit absolu d'expression. Chacun bannit son contradicteur à coup d'anathèmes. Tout religieux serait un fanatique en puissance, tout athée un ennemi acharné de la liberté religieuse. Dès lors, comment continuer à envisager de vivre ensemble ? Quelle est la portée de l'outrage envers Dieu ou une communauté religieuse ? Qu'est-ce qu'une liberté d'expression sans bornes ?
Paul Clavier redistribue les cartes et offre ainsi des outils affutés par notre tradition pour comprendre le monde dans lequel nous vivons. Il montre, en philosophe, comment l'obéissance aveugle ne rend pas justice au respect inconditionnel dont l'homme entend témoigner par son engagement religieux. Il démonte l'apparente cohérence d'un commandement de tuer l'impie. Parallèlement, il souligne que quiconque admet qu'il y a des droits et des obligations imprescriptibles, reconnaît implicitement l'existence d'une source absolue d'obligation. Qu'on la nomme Dieu ou d'un autre nom, l'essentiel reste de ne pas l'invoquer en vain. Athées et croyants, également concernés, sont peut-être plus proches qu'ils ne veulent bien l'avouer.
Condamnée à mort pour un verre d'eau.
Il fait 45 °C ce jour-là, dans ce champ du Pendjab. Asia cueille des baies depuis plusieurs heures. Une récolte éprouvante, mais Asia et son mari ont cinq enfants à nourrir. Vers midi, en nage, Asia va jusqu'au puits le plus proche, prend un gobelet et boit de l'eau fraîche. Un verre, puis un autre.
C'est alors que sa voisine par jalousie, par bêtise, crie que cette eau est celle des femmes musulmanes et qu'Asia, chrétienne, la souille en s'en servant. Le ton monte... Et soudain, un mot fuse : « Blasphème ! ». Au Pakistan, c'est la mort assurée. Le sort d'Asia est scellé.
C'était le 14 juin 2009. Asia Bibi est jetée en prison. Un an après, elle est condamnée à être pendue. Depuis elle croupit dans une cellule sans fenêtre. Sa famille a dû fuir son village, menacée par les extrémistes.
Deux hommes lui sont venus en aide : le gouverneur du Pendjab et le ministre des Minorités, un musulman et un chrétien. Tous deux ont été assassinés sauvagement.
Asia Bibi nous écrit du fond de sa prison. Elle est devenue une icône pour tous ceux qui luttent, au Pakistan et dans le monde, contre toutes les violences faites au nom des religions.
" Un best seller ? Je t'en fabrique un en dix jours ! " Tout commence par un pari.
J'irais cracher sur vos tombes, signé Vernon Sullivan, paraît aux Editions du Scorpion en novembre 1946. " C'est sur le livre qu'on peut cracher " titre la presse, l'affaire est lancée, suivent procès et condamnation. L'adaptation cinématographique que Boris Vian écrira en 1958 fut son dernier grand rire - et un sursaut désespéré devant la connerie française. Il meurt le 25 juin 1959 lors de la projection du film.
Boris Vian ? Ecrivain, poète, musicien, critique, compositeur et chansonnier. Ingénieur et mathématicien. Victime de son époque. En cent pages de fragments épars, l'évocation poignante d'une tragique disparition.
Le monde de la religion est un monde sans respect d'autrui. Un monde de frayeur, de soumission et de guerre. Le masque de l'amour dont se parent les croyants cache en vérité sa terrible absence? : ce qu'ils aiment est une idée abstraite, irréelle. L'humanité est composée d'une part de ceux qui croient en Dieu, dignes de leur attention complice, et d'autre part des infidèles, des mécréants, des athées. Il faut les haïr, les mépriser, au moins les destiner au silence, par la force ou l'occultation, selon les régimes politiques, selon les arbitrages médiatiques. Quand les religions sont dans un rapport de force favorable, elles n'hésitent pas à tuer au nom de la foi. Tout cela « ?en vertu? » d'une entité inexistante? : Dieu. Si les humains croyaient moins, ils s'entre-tueraient moins, tel est le constat de Jean-Paul Gouteux - un constat, au moins une hypothèse anthropologique, d'une portée considérable. La croyance en une entité organisatrice de la totalité du monde rend absurde et aveugle. Aveugle à la réalité des persécutions et des massacres. « ?Dieu est bon? », assènent les trois monothéismes... Pourtant, partout règnent le malheur et la désolation, en dépit des émissaires zélés, les théologiens et les ministres des cultes.
Les trois religions analysées par Jean-Paul Gouteux, entomologiste médical qui les dissèque comme il le ferait d'un insecte pathogène, ont fait la preuve historique de leur inefficacité à promouvoir la paix et le bonheur de l'humanité. N'est-il pas urgent de concevoir et promouvoir enfin une morale humaine décidée au sein d'une humanité n'ayant plus de compte à rendre à une transcendance illusoire, plutôt que de persévérer dans la croyance obtuse en un au-delà chimérique? ? Il est temps que l'humanité entre enfin dans l'âge de raison.