"J’ai fini par découvrir l’adresse de la librairie que tenait Françoise Frenkel : Passauer Strasse 39 ; téléphone : Bavaria 20-20, entre le quartier de Schöneberg et celui de Charlottenburg. Je les imagine dans cette librairie, elle et son mari, qui est absent de son livre". Patrick Modiano, préface à Rien où poser sa tête, L'arbalète/Gallimard 2015.
"Moi aussi, alors, j’ignore tout de Françoise Frenkel. J’ai pourtant mené, en 2003, des recherches sur la seule librairie française connue à Berlin dans l’entredeux-guerres, La Maison du Livre, dirigée alors par un couple nommé M. et Mme Raichinstein. Y aurait-il eu une autre librairie française à Berlin à cette époque ? Françoise Frenkel et Mme Raichinstein seraient-elles la même personne ?" Corine Defrance, Françoise Frenkel, portrait d'une inconnue, L'arbalète/Gallimard 2022
En 2015, après soixante-dix ans d'un long oubli, Rien où poser sa tête de Françoise Frenkel est redécouvert en France. L'impressionnant parcours de cette femme nous parvient miraculeusement intact, sa librairie française à Berlin, sa fuite dans la France occupée, la déportation à laquelle elle réussit à échapper, son passage en Suisse. Le livre connaît un succès immédiat et est traduit dans plus de onze langues.Ressuscité, son nom fait surgir de nouveaux documents. Lettres, archives de police et d'État provenant de tous les pays qu'elle a traversés, carton d'inédits conservé pendant quarante ans dans sa famille suisse, publications datées d'avant et après la Seconde Guerre mondiale.Corine Defrance, historienne spécialisée dans l'histoire franco-allemande, a enquêté pendant cinq ans sur Françoise Frenkel en partant sur ses traces à travers l'Europe, de la Pologne au sud de la France. Elle a collecté et assemblé tous ces documents pour bâtir cette biographie qui nous permet, aujourd'hui, de déchiffrer en profondeur Rien où poser sa tête, et de reconstruire enfin un portrait précis de Françoise Frenkel.
Peu après la redécouverte de Rien où poser sa tête de Françoise Frenkel, un parent éloigné exhume chez lui, en Suisse, un carton conservé pendant quarante ans, contenant des archives de l'autrice disparue en 1975.L'ensemble mêle des tapuscrits en français et en allemand de formes très différentes (nouvelles, souvenirs, portraits, poèmes). Ils font découvrir les débuts littéraires de Françoise Frenkel à travers des textes publiés en revue dans l'entre-deux-guerres et ses thèmes de prédilection:l'enfance, l'amour des livres et de la librairie, l'antisémitisme à Berlin, Nice comme ville refuge, les rencontres d'une vie. Mais ils témoignent aussi de la diffi culté d'une survivante de la Shoah à reprendre pied dans la société française de l'après-guerre et ses tentatives pour faire entendre le drame auquel elle a échappé et qui n'a pas épargné sa famille.
En 1921, Françoise Frenkel, une jeune femme passionnée par la langue et la culture françaises, fonde la première librairie française de Berlin, «La Maison du Livre».
Rien où poser sa tête raconte son itinéraire : contrainte en 1939 de fuir l'Allemagne, où il est devenu impossible de diffuser livres et journaux français, elle gagne la France, où elle espère trouver refuge. C'est en réalité une vie de fugitive qui l'attend, jusqu'à ce qu'elle réussisse à passer clandestinement la frontière suisse en 1943.
Le récit, écrit en français, qu'elle en tire aussitôt dresse un portrait saisissant de la France du début des années quarante.
De Paris à Nice, en passant par Avignon, Vichy, Grenoble, Annecy, Françoise Frenkel est témoin de la violence des rafles et vit sans cesse menacée en raison de ses origines juives. Tantôt dénoncée, tantôt secourue, incarcérée puis libérée, elle découvre des Français divisés par la guerre dont elle narre le quotidien avec objectivité.
Rien où poser sa tête, soixante-dix ans après sa publication en 1945 à Genève, conserve, miraculeusement intacts, la voix, le regard, l'émotion d'une femme qui réussit à échapper à un destin tragique.